La WISC-V, bien plus qu'un QI !

L’article d’aujourd’hui est surtout destiné aux professionnels autorisés à administrer la WISC-V (c’est à dire les psys et neuropsys). Cela dit, il peut te donner des idées à adapter à ton propre matériel. 😊

Réaliser un bilan intellectuel chez son patient ne sert pas juste à obtenir un score. D’ailleurs, un chiffre ne veut rien dire s’il n’est pas rattaché à un contexte et des observations cliniques. Mais ça, c’est un débat dans lequel nous n’entrerons pas aujourd’hui. L’objectif de cet article est tout autre.

En effet, nous utilisons la batterie WISC-V afin d’aller voir au-delà des scores et d’établir le profil cognitif et métacognitif du patient. Et c’est de ça dont nous avons envie de te parler!

L’administration de la WISC-V : rigueur et observations

Avant d’utiliser cette batterie à d’autres fins que celles pour lesquelles elle a été créée, nous l’administrons une première fois de manière rigoureuse. En effet, nous respectons les règles de passation et de cotation, comme il est indiqué de le faire.

C’est seulement dans un second temps que nous creusons nos analyses en suivant nos objectifs : comprendre le fonctionnement cognitif et métacognitif du jeune.

Cependant, lors de la première passation, nos observations sont essentielles et peuvent déjà nous donner des informations importantes à propos du patient.

En effet, nous pouvons en apprendre plus sur :

Exemples :

Exemples :

La WISC-V, au-delà des scores : l’établissement d’un profil cognitif et métacognitif

Nous administrons donc classiquement la batterie en observant et en écoutant attentivement l’enfant. C’est ce que tu fais aussi, probablement.

Mais on ne s’arrête pas là !

En effet, nous repassons sur certaines épreuves avec des règles de passation différentes. Notre but ? Voir comment le jeune utilise son chef d’orchestre exécutif au profit du raisonnement (verbal, visuel ou visuo-spatial).

L’idée est de comparer :

ET

Petit aparté…

Tu te demandes peut-être ce qui est ce fameux “chef d’orchestre exécutif”?
Allez, on fait les présentations :

Il s’agit, simplement, des fonctions exécutives. Soit, l’enfant parvient à correctement utiliser les siennes (à voir aussi si elles sont suffisamment développées), soit, il a besoin d’accompagnement de notre part.

Rappel important

Selon le Modèle de Diamond (2013), planifier, raisonner et résoudre des problèmes font partie des fonctions exécutives supérieures. C’est pour cette raison qu’il nous semble important de s’intéresser au raisonnement (verbal et non verbal). En effet, cela permet de voir le chef d’orchestre en action (initiation, inhibition, mémoire de travail et flexibilité).

Des exemples pour bien comprendre

Bon, on a posé le décor mais ça ne te dit pas comment nous procédons pour en apprendre plus sur le fonctionnement cognitif (surtout, exécutif) et métacognitif de nos patients.

Pas de panique, c’est ce qu’on va t’expliquer ci-dessous avec des exemples concrets !

Dans les tâches visuo-spatiales et de raisonnement : exemple pour l’épreuve “Matrices”

Lors de la passation classique de la WISC-V (1er passage), le jeune doit donner sa réponse, l’examinateur ne dit rien. 🤫

Que le jeune obtienne ou non de bons résultats, notre second passage (lorsqu’on a déjà fait passer intégralement la batterie une première fois) peut être intéressant ! En effet, si ses résultats sont bons, découvrir sa stratégie peut nous être utile (notamment en comparaison avec d’autres épreuves où il se trouve en difficulté).

Imaginons cependant que le patient obtienne de mauvais résultats (ou juste “moyens”): Je me demande alors si le fait de mettre un STOP au jeune (jouer le rôle de son inhibition) change quelque chose à ses performances. Je lui demande donc de prendre le temps de bien regarder chaque image.

Deux possibilités :

1. “Et que fais-tu quand tu regardes les images ?”

2. Si pas, je vais plus loin : “Tu pourrais parler ce que tu vois ?”

3. Si pas, je vais encore plus loin : “alors tu vois, c’est un triangle vert qui est devenu rouge et là c’est …”

Que faut-il pour que l’enfant y arrive ?

1. Juste faire son chef d’orchestre en mettant un STOP ?

2. Le forcer à penser à une stratégie métacognitive ?

3. Lui proposer une stratégie métacognitive ?

4. Faire la stratégie métacognitive à sa place ?

L’idée est de tâtonner pour découvrir ses ressources exécutives et ce qu’il est capable de faire actuellement en termes de métacognition.

Dans les tâches verbales (Similitudes et Vocabulaire)

Lors de la passation classique de la WISC-V (1er passage), le jeune donne une réponse et, sur certains items seulement, nous pouvons ajouter “est-ce que tu peux en dire plus?” Cette question ouverte empêche l’examinateur de jouer au “chef d’orchestre”.

Lors du second passage, nous pourrons alors poser des questions de plus en plus fermées (avec de plus en plus d’indiçage). L’objectif étant de comprendre jusqu’où nous devons aller pour que le jeune puisse répondre à la question.

Dans les tâches de mémoire de travail (Mémoire des chiffres et Mémoire des images)

Les étapes de nos investigations, dans les tâches de mémoire de travail, seront, par exemple :

En Mémoire des chiffres :

1. Demander à l’enfant ce qu’il a fait pour retenir. Et s’assurer que c’est effectivement cela qu’il a mis en place.

Exemple : un enfant qui dit s’être répété dans sa tête les chiffres, que se dit-il vraiment mentalement ?

Item à mémoriser : 85473
L’enfant se répète : 888 555 444 … l’empan est bien plus grand que les 5 chiffres à retenir.
Ce n’est peut-être pas le plus efficace…

2. Lui demander ce qu’il aurait pu faire d’autre (ou ce qu’il aurait pu faire tout court s’il ne sait plus ce qu’il a fait)

3. Lui proposer une stratégie

Et voir jusqu’où il est capable d’aller en fonction de ces différentes étapes.

Et en Mémoire des images ?

Il y a certaines observations intéressantes à faire également.

1. Est-ce que l’enfant regarde vraiment les images ?
Et si pas, que se passe-t-il si on l’invite à mettre son STOP et bien observer ?

2. La majorité du temps, les jeunes se disent les images dans leur tête pour les retenir.

Bien évidemment, se “redire les images” n’est pas LA bonne stratégie. Si le jeune en a une autre et qu’elle fonctionne, c’est très bien! Et c’est intéressant pour toi, en tant que thérapeute, de comprendre ce qu’il met en place mentalement. Il pourrait peut-être s’en servir dans d’autres contextes où il n’y pense pas.

Mais si ton patient est en difficulté dans cette épreuve ET qu’il ne se redit pas les images dans sa tête… Ça peut être intéressant de l’amener à penser à cette stratégie ou de lui faire essayer, par exemple.

Et pour les enfants qui la mettent en place mais pour qui ça ne marche pas?
Dans ce cas, il faut creuser un peu. Cette stratégie peut être problématique si :

Dans la tâche “Code”

Comme dans les autres épreuves, que l’enfant ait réussi ou pas, creuser pour comprendre sa stratégie (s’il en a une) est très intéressant.

Il sera aussi utile, en cas de lenteur, d’en comprendre la cause :

Et que mettrait-il en place maintenant, avec le recul ?
Et si on lui propose une stratégie, est-ce que cela fonctionne mieux ?

En conclusion … Cette batterie est une mine d’or qui va bien au-delà des scores !

Marie Baccus et Laura Bertleff, pour Learning Brain