En savoir plus sur le trouble du spectre de l’autisme (TSA)

Cet article est dédié à un trouble bien particulier dont on peut avoir une vision assez stéréotypée et dont on ne connait, pour la majorité d’entre nous, pas grand-chose : l’autisme ! Pour en parler, nous avons fait appel à Melina Dell’Armi, une psychologue française spécialisée dans le trouble du spectre de l’autisme. Après un Master 2 spécialisé dans l’autisme et les troubles neuro-développementaux, elle a réalisé une thèse sur les besoins et l’accompagnement des parents d’enfants TSA. Elle est psychologue en libéral depuis 2012, formatrice auprès d’établissement médico-sociaux et chargée de cours à l’université de Toulouse (faculté de psychologie).

Learning Brain ayant des lecteurs français et belges, nous avons demandé à Anaïs Luyckx de nous dire s’il existait des différences en termes de diagnostic ou de prise en charge de l’autisme entre la France et la Belgique. Anaïs est belge et psychologue clinicienne au SUSA (fondation au service des personnes avec autisme) depuis 2013 ainsi que psychologue indépendante spécialisée dans les troubles neuro-développementaux depuis 2014. Elle coordonne également un service spécialisé dans les troubles du comportement graves et donne des formations pour le SUSA. Ses réponses et précisions seront indiquées en italique dans cet article.

Le Trouble du spectre de l’autisme fait partie des troubles neuro-développementaux. Qu’est-ce que cela signifie ?

Depuis 2013, un changement dans l’appellation et la catégorisation des troubles généralement repérés dans l’enfance est apparu avec l’arrivée du DSM 5 (manuel de diagnostic et de statistique des troubles mentaux élaboré par l’APA).

L’autisme, dans la version précédente du DSM, était défini comme un Trouble Envahissant du Développement (TED), qui regroupait plusieurs types de troubles autistiques (l’autisme typique, l’autisme atypique et le syndrome d’asperger qui est une forme d’autisme sans déficience intellectuelle et sans retard dans l’acquisition du langage).

Avec l’arrivée du DSM 5, plusieurs changements ont été opérés :

Que signifie donc précisément le terme « spectre » dans ce cadre ?

Le spectre traduit la diversité de présentation des troubles dans l’autisme. Cela peut varier en fonction de la sévérité des symptômes mais aussi du profil cognitif, des capacités verbales ou des troubles associés (notamment la présence d’une pathologie médicale ou génétique connue). Cela permet de mieux refléter la diversité de présentation clinique de l’autisme.

Quelles sont les grandes caractéristiques du TSA ?

Les caractéristiques essentielles du TSA sont regroupées dans deux domaines :

Dans ce premier domaine, on retrouve des difficultés au niveau de la réciprocité socio-émotionnelle (ex : conversation réciproque, partager les intérêts/émotions/affects avec les autres ou encore, initier l’interaction sociale), au niveau des comportements de communication non verbaux (ex : contact visuel, expressions faciales, gestuelle) et au niveau des relations sociales (ex : se faire des amis, partager des jeux, …).

Dans ce deuxième domaine, on peut retrouver des centres d’intérêts restreints et fixes, des mouvements / du langage / de l’utilisation de jouet répétitifs ou stéréotypés, une intolérance face au changement ou des routines et rituels fixes, ainsi qu’une hyper ou une hypo réactivité aux stimulations sensorielles (intolérance aux bruits, par exemple).

A partir de quel âge le diagnostic peut-il être posé ? Vers quel âge les premiers signes peuvent-ils être observés ?

Les premiers signes d’alerte peuvent être repérés dès 12 mois lorsque le retard de développement est sévère et après 24 mois quand les symptômes sont plus légers. On peut, par exemple, observer un manque d’intérêt pour les interactions sociales, un retard dans le développement du langage, un déficit d’attention conjointe, une préférence pour les jeux répétitifs ou l’absence de réponse à l’appel du prénom. D’ailleurs, souvent, les parents suspectent une surdité avant de penser à l’autisme. Lorsque les signes sont évidents, et avec l’appui de bilans standardisés, un diagnostic peut être établi à partir de 24 mois. Il faut également préciser que le diagnostic n'est pas seulement posé pendant l’enfance. De nombreux adultes peuvent se poser la question d’un TSA qui n’aurait pas été repéré durant l’enfance, soit parce que les connaissances de l’époque n’étaient pas aussi approfondies qu’aujourd’hui, soit parce que les particularités ont pu être masquées par des stratégies de compensation apprises.

En Belgique, le diagnostic de TSA se pose à l’âge de 3 ans. Entre12 mois et 3 ans, nous parlons de suspicion. Il existe des centres de référence avec des équipes pluridisciplinaires mais les médecins spécialistes peuvent également poser le diagnostic.

Il s’agit d’un diagnostic assez lourd en général pour l’enfant et ses parents. Le diagnostic nécessite une certaine expertise. Comment se passe un bilan classiquement ? A quoi fais-tu attention au moment de tes bilans ?

Le diagnostic est posé par un médecin et nécessite la collaboration d’une équipe pluridisciplinaire. Certaines échelles sont préconisées pour la réalisation d’un diagnostic mais celui-ci se base avant tout sur une appréciation clinique des particularités présentées par l’enfant. Une partie des bilans consiste en une observation clinique des signes (observation semi-standardisée) par le biais d’échelles validées comme l’ADOS-2 ou la CARS. Il est également nécessaire de prendre un temps avec les parents pour reprendre les signes cliniques repérés durant la petite enfance, via un entretien d’anamnèse approfondi, de type ADI-R (Autism Diagnostic Interview). Des bilans complémentaires en orthophonie, psychomotricité, psychologie ou ergothérapie peuvent être nécessaires afin d’obtenir une évaluation du fonctionnement de l’enfant et ainsi, proposer un accompagnement le plus adapté possible. Ces bilans peuvent être réalisés dans un centre référent, comme les Centres Ressources Autismes (CRA) qui sont présents dans chaque région, mais les dernières recommandations indiquent de privilégier le recours aux CRA pour des situations complexes. Autrement, les évaluations peuvent se faire par des équipes spécialisées formées aux troubles neurodéveloppementaux, soit dans des équipes de psychiatrie infanto juvénile ou de pédiatrie (ex : CMP, CAMSP, CMPP), soit par des praticiens libéraux coordonnés entre eux par un médecin.

En Belgique, si le diagnostic est fait dans un centre de référence, plusieurs rendez-vous sont nécessaires (7 à10 rendez-vous environ : neuropédiatre, psychologue et neuropsychologue, logopède, psychomotricien, observation à l’école et au domicile). Les outils sont les mêmes que ceux cités ci-dessus.

Dans le cas d’un TSA avéré, quels types de prises en charge sont mises en place pour les enfants et leur famille ?

Avant 4 ans, les prises en charge recommandées par la Haute Autorité de Santé sont des interventions personnalisées, globales et coordonnées fondées sur des approches éducatives, développementales et comportementales comme l’analyse appliquée du comportement (ABA), le programme TEACCH (traitement et éducation pour enfants avec autisme ou handicap de la communication) ou l’ESDM (modèle d’intervention précoce de Denver).

Au-delà de 4 ans, les interventions s’effectuent en fonction du profil de l’enfant et de la sévérité des symptômes mais elles doivent s’appuyer sur des évaluations fonctionnelles permettant de cibler les objectifs à travailler, en collaboration pluridisciplinaire (ex : orthophoniste, psychomotricien, éducateur, psychologue). Ces interventions restent toujours globales et coordonnées. Pour certains enfants, il peut également être préconisé de participer à des groupes d’habiletés sociales afin de travailler en situation écologique les compétences socio-émotionnelles.

Globalement, c’est le même en Belgique. Chez nous, il existe des écoles spécialisées avec des classes « TEACCH » où on trouve des jeunes présentant de l’autisme et une déficience. Il existe des services d’accompagnement spécialisés dans l’autisme comme le SUSA : un service enfant-ado et un service adulte où, à l’aide des programmes cités ci-dessus, en collaboration avec les parents, le jeune, les écoles, on travaille des objectifs précis ; ce service se déplace dans les différents milieux du patient. On renvoie aussi à des logopèdes spécialisées et/ou des psychologues pour des prises en charge plus pointues dans un domaine (communication, émotions, habiletés sociales…).

Aurais-tu des lectures ou ressources intéressantes à conseiller à nos lecteurs ?

Oui, voici plusieurs livres qui permettent d’approfondir le sujet :

Il existe également plusieurs livres « De Boeck » mais plutôt adressés aux professionnels comme « l’intervention comportementale clinique » de Eric Willaye.

Nous remercions encore une fois chaleureusement Melina Dell’Armi et Anaïs Luyckx pour le temps qu’elles nous ont accordé !

Marie Baccus et Laura Bertleff, pour Learning Brain